ÉCHOOO
Lucie Eidenbenz et Sara McLaren – Résidence 2022-2023
La Grange a accueilli en résidence hors les murs Lucie Eidenbenz, artiste pluridisciplinaire, chorégraphe et danseuse, et Sara McLaren, artiste qui explore les intersections entre l’anthropologie, le théâtre, l’écriture et la danse in situ. Leur terrain de recherche s’est situé autour d’Évolène, en Valais, dans le cadre du programme de recherche participative Val d’Hérens, 1950/2050 – Vies, images et pratiques d’un territoire en mutation, consacré aux enjeux et aux impacts du changement climatique sur la vie en montagne.
De juin à novembre 2022, elles ont travaillé en collaboration avec trois chercheurexs qui enquêtent sur les modifications du paysage sonore du Val d’Hérens, et sur l’impact de ces modifications sur les liens psychologiques entretenus par ce biais par les habitantexs à leur territoire.
Nelly Valsangiacomo est historienne et professeure d’histoire contemporaine à l’UNIL. Elle s’intéresse principalement à l’histoire sociale et culturelle des territoires. Christophe Fellay, artiste sonore et responsable du Bachelor en Son à l’EDHEA, et Claude-Alexandre Fournier, professeur et responsable de l’Institut Santé (HES-SO Vallais-Wallis), gèrent le programme Indiscipliné ? à l’EDHEA.
La résidence s’est conclue le 29 novembre 2022 par la présentation d’une performance interdisciplinaire intitulée ÉCHOOO dans le Val d’Hérens et sur la scène de La Grange dans le cadre de l’événement « La montagne parle! ».
Découvrir la vidéo de présentation de la résidence
« Comment écouter la montagne ? Echo est la protagoniste d’un mythe grec, qui – suite à une punition divine – n’a plus que la voix et les os, ayant pris l’apparence de la roche. Selon des interprétations contemporaines, Echo ne fait pas que répéter ce qu’on lui dit, mais elle se l’approprie et le réinterprète. Dans le Val d’Hérens, nous nous apprêtons à surfer sur les ondes de l’écho. Quel rôle le paysage sonore joue-t-il dans l’attachement que l’on peut éprouver pour un lieu ? À la rencontre de la Vallée, ses habitantexs, humainexs et non humainexs, nous vous invitons à tendre l’oreille vers ce qui révèle une autre dimension de l’espace visible. »
Étape 1 : résidence de Lucie Eidenbenz à Evolène du 17 au 22 juillet 2022
Première prise de contact avec le Val d’Hérens. Je monte seule à Evolène pour briser la glace en pleine canicule de juillet – Sara me rejoint en août. Pour cette première phase d’observation participante et de repérage, je rencontre des habitant·e·s, fais des entretiens, me coordonne avec l’équipe de recherche scientifique, me rends sur les lieux d’échos qu’on m’indique, munie de mon enregistreur. Prises de sons ciblées. La lecture du livre «Poudre de sourire », témoignage de Marie Métrailler, figure emblématique de la vallée au siècle dernier, vient apporter un écho romancé à mon expérience de terrain. Pour la prochaine résidence, je prépare une méditation sonore.
Étape 2 : résidence de Lucie Eidenbenz et Sara Mc Laren au Val d’Hérens, du 7 au 13 août 2022
Toujours en quête d’écho, nous le provoquons et l’invitons, au gré d’entretiens personnels, des échanges, des récits qui nous sont donnés. Le marché de La Sage devient un terreau fertile de rencontres. Les multiples échos de la Vallée nous mènent jusqu’au grand Écho, à 2’700m, où nous menons une conversation avec la montagne.
Nous invitons les habitantexs à nous rejoindre à la Chapelle St-Christophe, à La Sage pour une méditation sonore. Nous sommes 15 personnes réunies sur ce haut lieu vibratoire, qui vibre des sons que nous écoutons, ceux que nous produisons, et ceux que notre oreille ne perçoit pas…
Enfin, le glacier du Mont Miné nous invite au silence, dans le vacarme de sa fonte.
Étape 3 : résidence de Sara Mc Laren , du 1er au 4 septembre 2022
Les touristes sont partis, les villages sont calmes, les pâturages changent déjà de couleur et le ciel avec. On sent l’automne qui pointe son nez…Je monte seule à Evolène pour 4 jours. On se retrouvera avec Lucie mi-septembre. En attendant, je continue à rencontrer des habitantexs, faire des micros-trottoirs, chercher l’écho, dessiner, écrire, lire, entendre parler des danses folkloriques et découvrir le musée de géologie des Haudères, avec une visite très détaillée du guide qui m’explique la géomorphologie de la vallée… Une longue discussion avec un habitant expert du son m’ouvre de nouveaux imaginaires. Les sons consistent en une superposition de couches, tout comme la composition des pierres. Les roches peuvent faire obstacle au son, les reflétant avant qu’ils ne s’évanouissent.
Étape 4 : résidence du 15 au 20 septembre 2022 à Evolène – Lucie et Sara
Nous nous faisons surprendre par la neige à la mi-septembre, les Veisivis sont blancs et les grillons se sont tus. À la recherche des matières et des roches qui font écho, on s’intéresse aux ardoises, un élément présent sur les toits. Echo et Eco (oikos- habitat) se côtoient de près!
Le cor des Alpes fait résonner nos corps au sommet de la colline à la Sage, lors d’un concert dédié à cet instrument de communication d’un côté de la vallée à l’autre.
Dimanche, nous menons le deuxième volet de notre atelier-rencontre autour du son – destiné aux habitantexs : cette fois c’est une balade sonore qui nous emmène sur les hauteurs d’Evolène. Nos oreilles sont en marche – textures, intensités, distance, fréquences – chacunex intercepte les ondes qui lui parviennent à travers sa propre écoute silencieuse. Fermer les yeux laisse émerger une épaisseur sonore dans le mouvement.
Étape 5 : résidence du 6 au 9 octobre 2022 à Evolène – Lucie et Sara
Dernière résidence dans le Val d’Hérens avant les restitutions du 8 novembre à Euseigne et du 29 novembre à la Grange. Nous assistons au défilé des Reines et aux combats dans l’arène des Haudères en présence des fierexs agriculteuricexs. La collecte de sons continue – à chaque saison sa musique.
Entre une montagne et une autre, un montage et un autre, nous nous rendons au barrage de la Grande Dixence, sentir l’eau accumulée derrière ses murs, sa grandeur… Nous restons à ses pieds, laissant à l’imaginaire ce qui s’y trouve plus haut.
C’est remplies d’images, de rencontres, de sons que nous retournons en plaine. Les récits commencent à se tisser, de nouvelles narrations se créent. Merci aux habitantexs de nous avoir guidées à travers vos montagnes.